La manufacture de la toile

Naissance d’une industrie

Dès le 14ème s., les habitants de Locronan fabriquent des toiles à voiles.
A partir du 15ème s., la région se spécialise dans la production et le travail du chanvre, et accessoirement, du lin.

Les petites barques de Pouldavid, chargées de sel, sont régulièrement enregistrées dans les ports anglais du Cornwal : ce sont leurs maîtres qui ont certainement eu l’idée de demander aux habitants de l’arrière-pays de tisser ces voiles qui s’appelleront des “locornans” ou des “lokournans” ou encore des “olonnes de Pondabi”, “de Poldavy”, ou de Boldavi”.

C’est en 1469, à Bordeaux, que l’on mentionne, pour la première fois, une cargaison de toiles de Locronan.

L’apogée

Le 16ème s., semble être le siècle d’or pour les toiles de Locronan.
Deux fois plus longues et plus larges que leurs concurrentes de Merdrignac, elles sont très demandées :
– en France elles équipent les vaisseaux du roi.
– en Espagne, elles ont le monopole de la marine de guerre : l’Invincible Armada, les caravelles de Christophe Colomb…
– les portbooks de Grande-Bretagne les relèvent fréquemment. En 1539, 3000 poldavis de Locronan équipent la marine anglaise.
– on les retrouve encore dans les registres portuaires d’Armenuides et de Middelburg (avant-port d’Anvers).
– à partir de 1562, on les repère franchissant le détroit de Sund.
– mais surtout la flotte de commerce bretonne est très importante : le port de Penmarc’h est le principal port d’armement européen.

Au 17ème s., les toiles de Locronan tiennent toujours la première place, malgré la concurrence des olonnes de Vitré, des noyales et des toiles de Hollande.
Locronan se taille la part du lion dans les achats de la Marine Royale de Colbert.

La Compagnie des Indes choisit les toiles de Locronan, et installe ses commis dans la cité elle-même pour être au plus près de ses fournisseurs.

Le déclin

La fin du 18ème s. verra le début de la décadence de l’industrie toilière de Locronan. La Manufacture ne saura pas s’adapter aux nouveaux vaisseaux qui exigent des voiles de plus en plus grandes. Les toiles de Locronan ne servent plus que pour les petits bateaux et pour fabriquer des sacs, des hamacs, et des habits pour les marins.

Le dernier métier à tisser cessera de battre à la veille de la guerre de 1914.

Locronan et Shakespeare

Locronan, prononcé dans une autre langue, et déformé par l’usage, deviendra “LOCKRAM”.
C’est ce nom que nous retrouvons par exemple dans l’oeuvre de Shakespeare, pour désigner une toile de lin ou de chanvre, plus ou moins fine, pouvant servir à divers usages (Coriolan, Acte II, Scène I).
Si le sens du mot a varié avec le temps, il ne fait guère de doute que son origine vienne de Locronan!